La prochaine rustine de l’immobilier : la dissociation du foncier et du bâti
Depuis quelques années, certaines communes prennent des mesures pour réduire le coût du foncier afin de permettre la construction de logements neufs à moindre coût. C’est notamment le cas dans l’agglomération de Nantes Métropole avec les programmes du Comité Interprofessionnel du Foncier (CIF). Grâce à ces initiatives, des ménages aux revenus modestes peuvent achater leur résidence principale, sous réserve de signer une clause anti-spéculative. Cette clause leur interdit de vendre ou de mettre en location leur bien avant une période généralement comprise entre 5 et 7 ans.
Cependant, malgré ces aides, de nombreux acheteurs potentiels ne parviennent toujours pas à investir. Pour les soutenir, une idée controversée refait surface : la dissociation du foncier et du bâti. Concrètement, cela signifie qu'un acheteur deviendrait propriétaire de la construction tout en restant locataire du terrain. Sur le papier, l’idée semble séduisante puisque louer revient souvent à une mensualité 20 à 30 % moins élevée qu’acheter, selon les types de biens.
Prenons deux exemples concrets à Carquefou pour illustrer cela :
- Un appartement de type 2 de 40 m² : En location, le loyer moyen est de 570 euros par mois. Pour acheter un appartement équivalent, il faut compter environ 150 000 euros, ce qui correspond à une mensualité de 780 euros par mois. L'écart de mensualité est donc de 36 %.
- Une maison de 100 m² : En location, le loyer est d’environ 1 400 euros par mois. À l’achat, il faut prévoir environ 340 000 euros, soit une mensualité de 1 750 euros, on a donc ici un écart de 25 %.
Il est important de noter que les écarts de ces deux exemples sont biaisés en ce moment par le coût des crédits immobilier. Comme vous le savez les taux sont très élevés en ce moment, au-dessus de 3.5%. Avec des taux qui devraient revenir vers les 2% en 2025- 2026, les mensualités seront moins élevées et donc l’écart plus faible.
Cependant, la dissociation du terrain et du bâti ne permet de réduire le coût de détention que de manière marginale, à hauteur de 6 % maximum, puisque le terrain représente environ 20 à 30 % du coût global de la construction.
Face à ces constats, une question se pose : à quand une véritable politique du logement en France ?
Pourtant, réduire le prix de l’immobilier semble simple : il suffit d’augmenter l’offre de logements comme le préconise de nombreuses association telle que la Fondation Abbé Pierre par exemple. Cela passe par des plans locaux d’urbanisme moins contraignants. Dans les grandes villes comme Nantes, où les terrains constructibles se font rares, il s’agit d’accepter des immeubles plus hauts. Il convient également de limiter le pourcentage de logements sociaux, qui alourdissent les coûts. Pour rappel, ces logements sont vendus en dessous du prix de revient pour le promoteur. Ce dernier, pour ne pas perdre d’argent, répercute ce coût soit sur le prix de vente des terrains, soit sur le prix des autres appartements. Dans le premier cas, le propriétaire du terrain refuse, dans l’autre cas nous arrivons à des prix de mise en vente vertigineux à plus de 6 000 €/m² sur Nantes
Une autre aberration réside dans l’obligation de rendre 100 % des logements accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR). Bien qu'il soit crucial de disposer de logements adaptés, seulement 5 % de la population est en situation de handicap. Imposer cette norme à tous les logements conduit à des pertes d’espace inutiles : environ 2 m² dans les toilettes, 4 m² dans la salle d’eau, et 2 m² dans les couloirs, ce qui n'est pas nécessaire pour tous les logements. Bien que cette norme ait permis la création de logement plus grand, ils ne sont cependant pas plus habitables. Généralement, nos acquéreurs ou nos locataires préfèrent pour le même prix avoir ces 8 m² dans leur salon plutôt que dans des pièces annexes !
Dans des communes plus petites comme Carquefou, la solution pourrait passer par la transformation de terres agricoles en terrains constructibles. Bien sûr, il est essentiel de protéger les agriculteurs, mais de nombreuses friches agricoles existent sans bénéficier ni aux producteurs ni aux habitants. À Carquefou, environ 30 % des terres sont en jachère, soit presque autant que la surface urbanisée.
En conclusion, une véritable politique du logement devrait viser à augmenter l’offre en assouplissant les contraintes urbanistiques, en optimisant la répartition des logements sociaux et en adaptant les normes de construction de manière plus rationnelle. Seule une approche pragmatique et équilibrée permettra de rendre l’accession à la propriété plus accessible pour tous.